Quel montant demander lors d'une rupture conventionnelle ?

Droit du Travail

Rupture conventionnelle

quel montant demander pour une rupture conventionnelle

Pourquoi il est crucial de bien préparer sa rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle est devenue une voie de sortie privilégiée pour de nombreux cadres en poste. Elle séduit par sa souplesse, mais elle peut aussi piéger ceux qui s’y engagent sans préparation. Derrière l’apparente simplicité de la procédure, se cachent des enjeux financiers, fiscaux et stratégiques qu’il ne faut pas sous-estimer.

Obtenir une indemnité juste, éviter les périodes de carence injustifiées à France Travail ou encore protéger ses intérêts : ce sont autant d’éléments qui se jouent dans la négociation. Cet article vous guide, pas à pas, pour comprendre ce que vous pouvez légitimement demander lors d’une rupture conventionnelle – et comment le faire.

👉 Une lecture indispensable pour les cadres et cadres dirigeants qui envisagent une rupture amiable et souhaitent sortir avec les bonnes armes.

1. Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle (et ce qu’elle n’est pas)

La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) conclu d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Instituée en 2008, elle ne nécessite aucun motif, contrairement au licenciement, et donne droit à l’allocation chômage (ARE), sous réserve de conditions spécifiques.

Elle se distingue clairement :

  • d’un licenciement (imposé unilatéralement par l’employeur),

  • d’une transaction (conclue après une rupture, pour solder un litige),

  • d’une "négociation de départ", expression floue souvent utilisée pour désigner des ruptures hybrides ou déguisées.

📌 À retenir : Seule la rupture conventionnelle donne accès à l’indemnité spécifique de rupture encadrée par la loi, dans le respect d’une procédure stricte (entretien, délai de rétractation, homologation).

2. Indemnité minimale : le cadre légal

Lors d’une rupture conventionnelle, l’employeur est tenu de verser au salarié une indemnité spécifique de rupture conventionnelle, dont le montant ne peut en aucun cas être inférieur à l’indemnité légale de licenciement. C’est une obligation fixée par le Code du travail, quel que soit le motif du départ.

Comment est calculée l’indemnité minimale ?

Elle dépend de deux critères :

  • L’ancienneté dans l’entreprise (au moins 8 mois à temps complet ou partiel),

  • La rémunération brute perçue par le salarié (sur les 12 ou les 3 derniers mois, selon ce qui est plus favorable).

💡 Par exemple, pour un cadre avec 5 ans d’ancienneté et un salaire brut mensuel de 5 000 € :

L’indemnité légale sera d’environ 6 250 €.

À noter que certaines conventions collectives peuvent prévoir des indemnités conventionnelles plus favorables que l’indemnité légale. Dans ce cas, c’est le montant le plus avantageux pour le salarié qui s’applique.

À quoi sert cette indemnité ?

Elle constitue un plancher obligatoire : aucun accord ne peut prévoir une indemnité inférieure. Mais elle n’est en aucun cas un plafond ! Le salarié peut parfaitement négocier une indemnité supérieure ou y ajouter d’autres compensations financières ( clause de non-concurrence,formation, outplacement etc.).

Simulez votre indemnité légale

👉 Le simulateur officiel du Ministère du Travail permet de calculer rapidement votre indemnité minimale :
Simulateur en ligne – Service Public

3. Comment négocier une indemnité supérieure (et sur quelles bases)

La loi fixe un minimum, mais rien n’interdit de demander davantage. De nombreux cadres obtiennent, dans le cadre d’une rupture conventionnelle, des indemnités supra légales bien plus élevées que le montant plancher. Encore faut-il savoir sur quoi fonder sa demande.

Sur quels éléments s’appuyer pour négocier ?

Voici les leviers les plus fréquemment mobilisés :

  • L’ancienneté et le niveau de responsabilité : un cadre dirigeant ou très expérimenté est en droit de demander une indemnité supérieure.

  • Les éventuelles irrégularités dans l’exécution du contrat : surcharge de travail, non-respect des repos, objectifs non atteignables, etc.

  • Les concessions faites par le salarié : clause de non-concurrence maintenue, renoncement à une prime, restitution anticipée de matériel, etc.

  • Les éventuelles tensions ou risques contentieux : contexte dégradé, mise au placard, faits de harcèlement (à faire constater par un avocat).

💬 Le saviez-vous ?
Même si la rupture conventionnelle n’est pas une transaction, vous pouvez faire valoir des éléments de contexte pour justifier un montant supérieur. Le tout est de les documenter.

Un exemple chiffré pour mieux comprendre

Un cadre avec 10 ans d’ancienneté, rémunéré 6 000 € brut/mois, pourrait viser une enveloppe de rupture de 15 à 20 mois de salaire brut, en intégrant :

  • 2,5 mois d’indemnité légale,

  • 3 mois de préavis compensé (à négocier même s’il n’est pas effectué),

  • et 10 à 15 mois au titre de la perte d’opportunités ou d’un éventuel préjudice.

Ce montant doit rester raisonnable et défendable. Il sera d’autant plus acceptable pour l’employeur s’il sécurise la sortie et limite les risques ultérieurs.

Documentez vos demandes

Conservez tous les éléments utiles à votre argumentaire : fiches de paie, mails, entretiens annuels, attestations éventuelles, etc. Ils peuvent appuyer une négociation équilibrée et préparer un recours en cas de litige ultérieur.

4. Carence France Travail : anticipez les délais

L’indemnité de rupture conventionnelle peut impacter le délai de versement de l’allocation chômage. On parle alors de différé spécifique d’indemnisation.

Comment est-il calculé ?

Le différé dépend du montant de l’indemnité  de congés payés perçue  par le salarié et de l’indemnité de rupture perçue en plus de l’indemnité légale.

Le montant de l’indemnité de congés payés génère un délai de carence d’1 mois maximum.

Le montant de l’indemnité de rupture versé génère un délai de carence de 5 mois maximum. Ainsi, plus le montant de l’indemnité de rupture versé est élevé, plus le délai avant le premier versement de l’ARE (allocation de retour à l’emploi) est long.

🔢 Formule indicative : (Indemnité de rupture-indemnité légale ÷ 107,9 = nombre de jours de carence

Par exemple, si vous négociez une indemnité de 20 000 € au-delà du plancher légal, le différé sera d’environ 185 jours soit plus de 6 mois. Cette durée sera toutefois plafonnée à 5 mois, ce qui signifie 5 mois sans ARE (et ce sans compte le différé résultant de votre indemnité de congés payés).

Ce que change la circulaire Unédic du 1er avril 2025

Une nouveauté importante modifie le calcul du différé :

La simple mention d’un préjudice lié à l’exécution du contrat de travail ne suffit plus à exclure la somme de l’assiette du différé, si celle-ci n’a pas été versée sur bulletin de paie.

Autrement dit, les montants versés qui ne sont pas liés à la rupture, peuvent prolonger le délai de carence.

Ce que dit la circulaire Unédic 2025

🔍 La circulaire Unédic 2025-03 précise que :
“La mention dans la transaction du type « somme versée du fait de l'exécution du contrat de travail » ou « en réparation d’un préjudice né de l’exécution du contrat » ne saurait permettre d’exclure la somme de l’assiette du différé, dès lors qu’elle n’a pas donné lieu à l’établissement d’un bulletin de salaire.”

🎯 Conséquence : même si une somme est justifiée par des faits survenus pendant le contrat (et non à sa rupture), elle peut allonger le délai de carence.

À retenir :

  • Anticipez votre trésorerie : un différé long peut retarder l’ARE de plusieurs mois.

  • Documentez chaque somme dans l’accord : nature, objet, date de versement.

  • Prenez conseil avant toute signature pour éviter les mauvaises surprises.

5. Avant de signer : les conseils à ne pas négliger

Une rupture conventionnelle ne se signe jamais à la légère. Voici quelques conseils clés pour sécuriser votre sortie :

Faites-vous assister : lors des entretiens de négociation, vous pouvez être accompagné (représentant du personnel ou avocat). Cela permet d’équilibrer le rapport de force.

Vérifiez chaque clause : clause de non-concurrence, clause de dédit-formation, sort du véhicule de fonction, du matériel informatique… Tout doit être précisé par écrit.

Soyez attentif à la date de rupture : elle doit tenir compte du délai de rétractation (15 jours calendaires après signature), du délai d’homologation par la DRIEETS  et du calendrier de vos projets (reprise d’activité, congés…).

Relisez la convention avec un avocat : en cas de litige ultérieur, un regard expert peut tout changer.

N’oubliez pas les recours : même après la signature, un salarié peut contester une rupture conventionnelle devant les prud’hommes s’il prouve un vice du consentement (pression, harcèlement, etc.).

En résumé :

La rupture conventionnelle est un outil puissant… à condition de bien en connaître les règles. Ne vous contentez pas du minimum légal. Préparez vos arguments, faites-vous accompagner, et assurez-vous que chaque point est clair avant de signer.

👉 Besoin d’un regard expert sur votre situation ? J’accompagne les cadres et cadres dirigeants dans leurs ruptures conventionnelles depuis plus de 10 ans.

Parlons-en en toute confidentialité.

Prenez rendez-vous maintenant pour discuter de votre situation.